L’article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme stipule que « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ». Ladite Déclaration a été adoptée le 10 décembre 1948 par les 58 Etats Membres qui constituaient alors l’Assemblée générale des Nations Unies.
Tous les Etats qui ont acquis leur indépendance après cette date, l’ont plus ou moins adoptée avec des éléments et autres ajustements tenant compte de leurs réalités intrinsèques. Les lois fondamentales des 193 nations qui constituent aujourd’hui les Nations Unies en font mention dans une forme ou une autre.
Ainsi, la Loi N° 2016-886 du 8 novembre 2016 portant Constitution de la Côte d’Ivoire, lui consacre, dans son titre I, la totalité des 27 articles qui font le 1er chapitre : des droits et des libertés. La Côte d’Ivoire confirme de ce fait, sans ambigüité aucune et sans réserve, son attachement aux droits et libertés de ses citoyens. Cette orientation ivoirienne, en matière de droit à l’éducation et à la santé, est articulée et concrétisée dans les articles 9 et 10. Elle souligne bien, que l’éducation et la santé sont des droits inaliénables des Ivoiriens sans aucune restriction explicite à priori.
Aussi, à la lueur des événements de septembre 2024 que nous désignons comme suit : Etat de Côte d’Ivoire contre la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), avons-nous décidé d’explorer les articles 9 à 10 uniquement du point de vue de l’éducation. Il en ressort que dans l’esprit des rédacteurs de cette loi fondamentale, l’éducation est sacrosainte et l’ivoirien y a droit quel que soit son ethnie, son âge, sa condition physique ou toute autre réalité physiologique, linguistique ou sociologique qui le définissent. On peut donc s’instruire à tous les âges, tant qu’on le désire et qu’on dispose des ressources (intellectuelles, mentales, physiques et matérielles, etc.) pour le faire. Le droit à l’éducation ne souffre donc d’aucune restriction objective de l’Etat ivoirien tant que ses citoyens ont le désir et les moyens d’en jouir. Ainsi, elle donne droit au condamné à la perpétuité, au condamné à mort du plus profond de leurs cachots ; au malade en phase terminale d’une maladie et couché sur son lit d’hôpital, de s’instruire et d’être diplômés s’ils le désirent et s’ils en ont les moyens.
Un Etat étant une entité sociale vivante, organisée et dirigée, les Parlements pourraient trouver des motifs objectifs cependant pour retirer le droit à l’éducation à certains citoyens du fait de leurs actes répréhensibles. Nous ne nous attarderons pas sur ces cas extrêmes.
Pour revenir à notre dossier Etat de Côte d’Ivoire contre la FESCI, plus particulièrement au décès de l’étudiant de 49 ans pensionnaire du campus d’Abobo, nous avons constaté que les débats sur les réseaux sociaux, dans les journaux, dans les restaurants et sur la place publique n’ont pas été orientés ni de façon judicieuse, ni de façon optimale vers la nécessaire distinction entre droit et privilège. L’opinion ivoirienne s’est scindée en deux camps, entre ceux pour lesquels, à 49 ans, le « général sorcier » serait trop âgé pour être inscrit comme étudiant et ceux pour lesquels, le retard académique du « général sorcier » serait la résultante de son emprisonnement, qualifié d’arbitraire, par l’Etat de Côte d’Ivoire à la suite de la crise post-électorale de 2010-2011.
Curieusement, ni l’un, ni l’autre des protagonistes ne s’est appuyé sur la Constitution pour faire prévaloir ses arguments. Nous avons ainsi assisté à un amalgame entre le droit à l’éducation et le privilège de résider en cité universitaire. Oui en effet, si l’éducation est un droit inaliénable, la résidence en cité universitaire est un privilège que l’Etat de Côte d’Ivoire accorde aux étudiants qui le méritent selon des critères préétablis. D’ailleurs, la Constitution a très bien défini et encadré le droit à l’éducation. Mais elle ne l’a pas fait pour le privilège. Le privilège qui pourrait se définir comme les droits spéciaux, avantages ou immunités octroyés à une catégorie ou un groupe particulier de la société, n’a pas la même force que le droit ainsi que le même caractère contraignant. De ce fait, le privilège de résider en cité universitaire tombe plutôt dans la même catégorie que le permis de conduire, l’obtention d’un passeport, l’acquisition d’un véhicule, et bien d’autres avantages qui ne sont pas des acquis constitutionnels en soi.
Vu sous cet angle, le débat autour du décès de l’étudiant de 49 ans aurait été plus instructif et formateur, si toutefois, il s’était focalisé sur la question de savoir si à 49 ans il devrait toujours bénéficier du privilège de résider en cité universitaire et de militer dans un syndicat estudiantin.
Le droit à l’éducation du « général sorcier », étudiant de 49 ans, était bien intact. Il pouvait aller même au-delà de ses 49 ans. Cependant, sa présence en résidence universitaire à cet âge, pose un problème. Que constatons-nous aujourd’hui dans cette Côte d’Ivoire moderne ? Les bacheliers ivoiriens ont généralement 17 ou 18 ans. Certains sont même relativement plus jeunes. On en trouve également à 20 ans. Tous ces âges sont raisonnables pour nos jeunes bacheliers. Maintenant, si l’on considère la durée moyenne du cursus universitaire à 4 ou 5 ans, sauf en médecine où il dure de 7 à 8 ans, le privilège de résider en cité universitaire ne devrait pas excéder, pour un étudiant ordinaire, l’âge maximum de 25 ans. Et, 27 ans pour les étudiants en médecine. Pour faciliter le débat, disons que l’étudiant ivoirien ne devrait plus bénéficier du privilège d’habiter dans des résidences universitaires après 30 ans même s’il exerce toujours son droit à l’éducation au-delà de son 30e anniversaire.
Cette même analyse nous amène également à cette même limite d’âge pour l’appartenance à un syndicat estudiantin. C’est-à-dire, 30 ans.
Le «général sorcier» avait donc le droit d’être inscrit dans la faculté de son choix. Il était donc étudiant. Au-delà de son 30e anniversaire en revanche, il avait perdu son privilège de résider en cité universitaire et d’appartenir à un syndicat estudiantin.
Il importe pour ce faire, que nous nous préparions à encadrer nos enfants, nos jeunes bacheliers, dans cette optique de la vie estudiantine. L’Etat a l’obligation d’investir suffisamment dans les infrastructures aux fins d’accueillir le maximum de bacheliers en résidences universitaires. Et cela, dans le respect de l’équité, des critères objectifs établis et abondamment véhiculés afin que les étudiants, les parents et la société ivoirienne au sens le plus large en soient informés. Il est évident que loger 100% d’étudiants par l’Etat peut s’avérer difficile. Cependant, il lui incombe de créer les conditions idoines pour en faire bénéficier le maximum d’ayants-droits qui, sont de surcroît de plus en plus nombreux.
Cette proposition de notre centre d’analyse, AKILI, a le mérite d’introduire plus de transparence dans la gestion de nos universités. Nous sommes disposés à en discuter avec les différentes parties prenantes afin de favoriser une convergence vers des solutions satisfaisantes et bénéfiques à la société ivoirienne.
De Siaka Bakayoko, centre d’analyse AKILI
– Démocratie…